Tous les articles par Gérard Bastide

Avidona

( prix spécial du jury pour le 10° anniversaire de la revue Harfang )

« J’appartiens à une drôle de famille.. Nous dormons le jour et nous volons la nuit, comme les chauves-souris. »
Ray Bradbury, la sorcière du mois d’avril.

– Mais, bon dieu, Aubry, ce que vous me racontez est insensé! Des histoires de bonne femme, c’est le cas de le dire! ON SE CROIRAIT REVENU AU MOYEN-AGE !
Cest oyseau estant monstrueux avisé serait ceslui qui pourrait acertifier que ceste creature est plutot de femme ou bien d’oyselle & confessera aysement que l’air jamais n’a soustenu rien de plus esmerveillable…..
– Tout de même, Aubry, vous êtes un garçon éclairé, un homme de culture! Vous voilà cédant à la superstition la plus obscure!
…Et aynsi que j’eu en ce temps cest heur & privilège de vouër sa despouille, je la descriray fidelement ainsi que les autheurs latins…
– Honnêtement, je ne m’attendais pas à être cru sur parole. Mais j’ai suffisamment d’éléments pour mériter votre attention. On a là de quoi faire un numéro spécial!
Elle estoit garnye d’aelles longues et blanches, aynsi qu’aux oyseaux es proies. Seules sont les femelles & n’ont nul retraict ou elles entretienent ses oeufs.
– Ecoutez, mon garçon, depuis que vous travaillez au journal, je n’ai qu’à me louer de vos services. Mais je suis enclin à penser que le surmenage, le stress, bref, vous auriez intérêt à souffler. Pourquoi ne pas poser quelques jours de vacances? Faites un break. C’est pas un ordre du patron, c’est un conseil d’ami.…

lire la suite

 

la pierre sèche

 » Avec leurs mains desus leurs têtes, ils en ont bâti des murettes jusqu’au sommet de la colline… »  Jean Ferrat

« Il ajuste une à une des pierres sans mortier, il en construit des alignements de plusieurs kilomètres (…) c’est une architecture sans merci, il y faut du goût, du sens de l’équilibre, de la soumission au paysage, moins de force physique que de feu, de la patience… » Jean Giono

Construire en pierre sèche, une activité qui échappe au narcissisme : parce qu’en bâtissant tu finis par te ruiner le dos et les reins.  Tu t’écrases les doigts même avec les gants. Et il t’arrive même de t’écraser un orteil ou de prendre une barre à mine dans le portrait. Ne riez pas, ça m’est arrivé. Et quand tu as fini, ou ton mur est mal monté et il se casse la gueule. Ou il est bien monté et personne ne veut croire que c’est toi qui l’a fait. Genre :  » Ah, autrefois, à l’époque, les vieux , ils savaient travailler. « avant après

dallages

La pierre au sol : récupérer patiemment lauzes, dalles, pierres plates, pavés,   anciens trottoirs (!),   placer au sol sur un lit de graviers, ajuster  au mieux les angles des pierres quadrangulaires, assembler au mieux les autres en opus quadratum ou opus incertum. Laisser reposer. Le sol inusable supporte le poids des véhicules, se patine avec le temps, évite l’érosion de la pluie, a l’avantage de sécher vite, garde longtemps la chaleur du soleil et constitue un repoussoir efficace contre les taupes. Ne pas oublier de desherber régulièrement et d’enlever les feuilles mortes. C’est tout et c’est beau. On dirait que ça a toujours été là. Le meilleur compliment: « Ah, autrefois, les anciens, ils travaillaient bien !  »

aut_E_dallage aut_E_devant-la-maison aut_T_opus_quadratum

soutenir, renforcer

Les murailles bâties en pierre étaient prévues pour durer. Néanmoins, elles doivent résister à des agressions multiples : les saisons avec les écarts de température, les cycles gel-dégel ( aquo es una  nueit a far petar la muralha …), les pluies d’automne et de printemps dont les eaux s’infiltrent, les arbres  qui poussent leurs racines profondément si l’on n’y veille pas, sans compter des ennemis plus discrets comme les taupes ou les campagnols. Sans oublier la loi de la gravitation universelle : per davalar tots los sants t’ajudan.  C’est pourquoi il vaut toujours mieux prévenir que guérir et j’ai édifié au cours des années plusieurs ouvrages en pierre maçonnée, contreforts, renforts, piliers de soutènement, qui renforcent ou complètent les ouvrages existants et les bassins et empêchent les murs de quitter la verticale.

aut-T-digue aut_T_pilier aut_T_muraille

réouverture du Musée du Textile

(discours prononcé par GB le 10 juillet 2008 )

REOUVERTURE DU MUSEE DU TEXTILE

Comme disait naguère le poète Patrice de la Tour du Pin,
“ Les peuples qui n’ont pas d’histoire sont condamnés à mourir de froid. ”
…Les peuples qui n’ont pas d’histoire…
Et les villages qui n’ont pas d’histoire ? Qui n’ont plus d’histoire ? A quoi sont ils condamnés, les villages qui n’ont plus d’histoire ?
Ils sont condamnés à la monotonie, à la banalisation, à l’insignifiance, à l’amnésie collective, condamnés à devenir des lieux sans âme, que l’on traverse sans souhaiter s’arrêter, tous semblables, tous pareils.
Fort heureusement, ce n’est pas le cas de notre cité de Labastide-Rouairoux. Cette vallée est riche d’une si longue tradition textile : on a retrouvé des fusaïoles datant du Néolithique ! Par la suite, tout le long temps de notre histoire est ponctué par l’activité textile : on cite des tisserands cathares au XII° siècle, on évoque les métiers à tisser qui rythmaient la vie de chaque maison au temps de la Réforme et des guerres de religion, les commandes de draps et de tissus militaires pour la Grande Armée de Napoléon, les premières fabriques mûes par l’énergie hydraulique, la réputation de qualité des tissus et apprêts de Labastide-Rouairoux, les tissus pied-de-poule qui allaient jusqu’en Angleterre pour habiller la famille royale, la recherche constante de nouveauté, saison après saison, pour les collections de haute couture,…
En feuilletant ainsi l’album des souvenirs, ce sont aussi des pans entiers de mémoire ouvrière qui défilent : les conditions de travail, les rues encombrées au moment de la sortie des usines, les grèves, les manifestations, mais aussi les jours de fêtes, les anecdotes et les savoir-faire partagés autour d’un métier devenu bien plus qu’un métier, un tradition collective, une façon de vivre.
C’est ce fil têtu de la mémoire qui risquait à tout jamais de se rompre quand le textile local fut à son tour victime des premières manifestations de la mondialisation, quand il a semblé plus facile et surtout plus rentable de faire fabriquer dans les ateliers du tiers-monde les tissus qui auparavant avaient assuré la prospérité de la vallée. L’histoire n’étant jamais à sens unique, il n’est pas dit que le renchérissement des produits pétroliers n’aboutisse au résultat inverse, la relocalisation de secteurs entiers de notre économie, peut-être bien le textile lui-même, on ne peut que le souhaiter.
Nous étions à la fin des années 70, les métiers cessaient de fonctionner les uns après les autres, les usines fermaient, les ouvriers chomaient ou partaient en pré-retraite, et chaque semaine des camions chargeaient des machines entières qui partaient pour la casse.
Il a fallu la détermination et l’enthousiasme de quelques-uns pour que naisse- en 1983- la conscience de la nécessité de sauvegarder ce patrimoine.
Histoire qui a débuté par la création d’un écomusée- dont je fus le président-fondateur- sur ce territoire de la Montagne Noire avec des collections agraires, textiles, hydrauliques, industrielles, la meunerie, les moulins, une imprimerie et même une distillerie !
1983 – 2008 : un quart de siècle, 25 ans d’une histoire longue et complexe car rien n’a été simple, commencée d’abord dans les batiments de l’usine Bourguet, puis qui s’est poursuivie par l’acquisition de l’usine Armengaud – qui date de 1880 – son site actuel. Devenu depuis janvier 2001 le Musée départemental du Textile, géré et animé par le Conseil Général du Tarn et tourné vers le patrimoine.
Patrimoine matériel d’abord, machines, cardes, métiers, objets, photos, livres d’échantillons récupérés par cartons entiers dans les usines, mais aussi patrimoine immatériel, savoir-faire, techniques, tours de main, témoignages ouvriers incarnés aujourd’hui de belle manière par les anciens du Comité Textile.
Qui dit musée dit mission conservatoire. Mais pas conservatrice : Aujourd’hui , le Musée du Textile de Labastide-Rouairoux est résolument tourné vers le futur : tendances “fashion” pour chaque saison, logiciel de création textile, nouvelles collections, nouveaux projets, accueil de scolaires, artistes en résidence… et nouveau parcours muséographique, où tous les sens se trouvent sollicités, le regard avec les matières, les couleurs, les formes, l’ouïe avec les nombreuses machines, l’odorat avec ses odeurs mêlées de graisse et de suint, le toucher des matières végétales et animales…
Aussi, le Musée du Textile, pour nous Bastidiens, joue le double rôle de vitrine et de miroir. Miroir car ce musée nous tend l’image à peine voilée de notre identité. Vitrine car il offre au regard extérieur, au curieux, au créatif, au touriste, le témoignage du savoir faire textile de notre vallée. Aussi je souhaite au nom de la commune de Labastide-Rouairoux que j’ai l’honneur de représenter aujourd’hui une bonne fréquentation dans ses locaux rénovés et longue vie au Musée du Textile !

des cabanes en pierre sèche

Capitelle, jasse, cabane, mazet, carabela, borie, tant de noms locaux pour la même tradition ancestrale de constructions
en pierre sèche : le matériau trouvé sur place, un soin particulier à bâtir la pierre, une voûte autoportante où chaque pierre est posée délicatement en porte-à-faux sur celle de dessous sous peine de voir la toiture s’effrondrer sur l’homme et son chien, le tout formant un abri bienvenu pour le randonneur en butte aux éléments ou juste une pause contemplative. Nous en avons édifié plusieurs, celle de schiste a été bâtie (2002) au sommet de Quiersboutou (837m ) qui domine les hameaux de Castans (Aude ), l’autre forme une sorte d’ermitage semi-enterré pour attendre la fin des temps… ou de l’averse.

aut_T_quiersboutouaut_T_ermitage

in-SITA-tion à la rébellion

Dans les années 2000, le funeste projet de la SITA d’installer dans les Hauts Cantons de l’Hérault un gigantesque site d’enfouissement de déchets ultimes nous a pas mal mobilisés pendant des années, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais l’association Patanarès a fini par gagner, ce n’est pas si fréquent. A mon petit niveau, j’ai essayé d’apporter mon aide avec ce bouquin, « Chroniques Désastreuses » qu’on a vendu à plus de 800 exemplaires pour financer la lutte

Et j’ai même commis un rap, que l’on me pardonne, c’était pour la bonne cause, intitulé IN-SITA-TION A LA REBELLION