Archives de catégorie : l’ecriveur polygraphe

un cadavre dans les dunes ?

Pas de panique, c’était le sujet du concours de nouvelles 2017 organisé par les éditions Arthémuse au Touquet.
300 nouvelles, 16 sélectionnées…et un prix unique de 1000 € à la lauréate. Ca valait le coup de se bouger la plume ! ou plutôt le clavier. Bon, j’ai pas gagné mais ma nouvelle “ un coeur brûlant» figure dans le recueil. Comme je suis bien brave, vous la trouverez in extenso ci-dessous…

arthemuse

UN COEUR BRULANT

Elle est arrivée de nuit avec la fourgonnette.
Elle a arrêté son véhicule au bout de la piste, juste à la limite du sable.
A ouvert la porte arrière, a sorti la forme enveloppée d’un drap blanc. Lentement, la fille aux cheveux courts a gravi la dune avec son chargement sur le dos. Elle a posé le corps, s’est agenouillé auprès de lui.

Mon tout à moi
ma douceur
mon âme mon battant
oh mon homme ma tendresse mon vivant

les mots d’amour
elle les psalmodiait comme une incantation
les mots qu’elle lui offrait comme quand il était vivant
la nuit était comme morte aussi seul le souffle du vent et encore.
Juste le sable.
Toute la nuit à mots si tendres elle lui a murmuré
toute la nuit à l’oreille

Greg
mon aimé, ma ferveur ma toute lumière
rien que pour toi mon tout doux mon solaire mon petit

Et c’étaient presque les mêmes mots que lorsqu’ils étaient tous deux vivants.
Mais le corps chéri ne répondrait jamais plus. On ne répond pas quand le corps pèse trente-cinq kilos, les bras percés de centaines d’injections et que de toute façon toute chaleur l’a quitté, déjà les yeux dépouillés de toute lueur et le visage si pâle sur le noir de la nuit.
Les mots ne font pas revenir.
Elle berçait la dépouille froide tout en hochant la tête à petits coups comme une bête qui sent le vent et sans larmes sans frissons une immense colère froide est montée peu à peu en elle. Une colère de femme comme une grande marée d’équinoxe, une rage qui enfle et que rien ne peut arrêter. Et tout en continuant à murmurer sa prière, derrière la dune elle a creusé à la main un trou dans le sable fin jusqu’à atteindre le mouillé. C’était pas difficile. C’est pas ça le plus difficile.
Elle a déposé doucement oh si doucement le corps de l’homme comme s’il s’agissait de la sieste d’un enfant malade. Comme une offrande froide à la dune. Les sourcils froncés elle a fait plusieurs aller-retour entre la lisière de la forêt et la fosse avec des brassées de branches de pin.
Mortes les branches elles aussi.
Les yeux clos comme pour un très ancien rite elle a craqué le briquet et mis le feu aux photos, au carnet.

Le feu de son bûcher mortuaire a crépité puis s’est vite consumé sans fumée. De toute façon il n’y a personne sur la plage en janvier. Rappelle-toi, amour, même en été il n’y avait jamais personne sur cette plage.
Elle a recouvert le corps de sable, a pelleté de ses mains nues le sable jusqu’à recouvrir la dépouille et les brandons de bois noir. Dans les dunes face à la plage toujours déserte où ils avaient fait l’amour la première fois. Le jour s’est levé à peine, jour de cendre et de désespoir de femme.
Grise la mer gris le ciel gris le coeur vidé

le mort la mer la mort

A genoux devant lui tant que mon coeur continuera de brûler elle a dit je te vengerai. Sans se retourner elle a marché jusqu’au van, a tourné le contact. Le véhicule est sorti de l’ornière, a repris docilement des routes familières, a regagné le monde des hommes.

CENTRE ANTI-CANCEREUX
C’est là qu’on envoie toujours les intérimaires. “Viande à rems”, ricanait Greg et il racontait des histoires de cercueils plombés. Lui et tant d’autres, les doses dépassées, les dosimètres qu’on laissait à l’entrée pour éviter qu’ils ne sonnent. Si tu dépasses la dose, on te renvoie à la maison.Alors…alors, faut bien croûter mon gars, on en est tous là.

Finalement ç’avait été si simple déguisée en infirmière.
Avec sa bonne bouille ses cheveux au carré ses yeux de miel bleu. Suffisait d’une blouse blanche. Elle avait signé une vague décharge, on l’avait laissée prendre livraison du corps. Il pesait si peu. Elle l’avait chargé presto dans le van et ils avaient repris la direction de la mer comme avant comme avant voilà tout

“Leucémie aigüe, aucun rapport avec son métier”
avait décrété l’Agence de Sécurité. C’est à vous madame d’apporter la preuve que sa maladie puisse avoir un quelconque rapport avec son activité. Je suis navré bien entendu mais croyez-moi, nous prenons toutes les précautions imaginables pour notre personnel. Y compris les intérimaires. Croyez bien que ça nous coûte bien assez cher mais la sécurité n’a pas de prix n’est-ce pas ?

bien sûr bien sûr boulot de merde c’est ainsi voilà tout, ça devait arriver, souffla Greg, promets-moi de m’aimer même quand tu n’auras plus rien à aimer quand je ne serai plus là tu m’aimeras encore mais promets-moi de pas le faire Sonia
elle l’avait embrassé sur les deux yeux elle n’avait rien promis

Sonia, prends soin de notre histoire disait-il encore ou bien
il faut que tu vives des choses comme ça
les choses qu’on dit quand on est un peu à court
que les gestes ne suivent plus que la vie vous pousse dehors
et c’est la mort qui entre

Finalement ç’avait été aussi simple qu’à l’hosto. A la centrale on manque toujours d’intérimaires. Tous ces malades, ça finit par se savoir. Alors on n’est pas regardant. Formation en huit jours et direct aux opérations de maintenance. Elle a touché sa tenue officielle. Elle a aussi gardé le badge de Greg.

C’est toi la nouvelle? a dit le chef d’équipe en matant la bonne bouille sous les cheveux au carré. Ton job, ce sera la cuve n°3 sous le réacteur. T’es menue, ça tombe bien. Faudra passer par un trou d’homme. Ce sera la première fois qu’une femme passe par un trou d’homme !
Il avait rigolé grassement et les autres s’étaient fendu d’un sourire sous le casque.

Le miel bleu s’était déversé sur lui comme du métal en fusion

Et trois minutes maxi, tu connais la consigne !

Pas grave, Sonia aura largement le temps de placer la charge explosive. Et pas l’intention de ressortir. Le monde est déjà mort.

19H17
Là bas, un étonnant panache monte sur des kilomètres de ciel comme pour lui signifier des choses indicibles
19H40
Des centaines de phares bleus sur des voitures blanches s’agitent à la surface des choses comme des fourmis dérangées
19H57
“Une banale opération de maintenance vire au cauchemar “ brament les télés.

C’est la première fois qu’une centrale s’embrase par amour

Le coeur brûlant continuera de battre pendant des centaines d’années

recette anti-crabe

Je lisais le « journal de bord » de Jeanne Gleyzes, le récit bien ficelé de son combat victorieux contre la maladie quand, au détour d’une page, j’ai eu la surprise  de m’y retrouver cité, in extenso s’il vous plait, sous la forme d’un petit courriel d’encouragement que je lui avais envoyé. Comme il était tombé en quelque sorte dans le domaine public après son  édition, il m’a semblé que je pouvais à mon tour lui ôter tout caractère intime  et éventuellement,  faire profiter d’autres lecteurs/lectrices  de ma recette :  » à l’entrée de cet hiver qui arrive sur la pointe des châtaignes, nous te proposons un cocktail dont voici la composition, doses établies  a vista de nas : 60% d’énergie positive, 15% de patience, 20% de bonne humeur, rigolades et fous-rires, 25% d’émerveillements quotidiens,  (paysages, visites, expos, jardin…), 3% de courage, 10% de philosophies diveres ( zen, tao, Epictète, chamanisme…),12% de lectures choisies, 43% d’amour (dosage finement établi après de nombreuses discussions ) Comment ça, ça dépasse 100%100 ? Je me doutais bien qu’on avait un peu forcé sur les doses. Dans ce cas, tu remixes tout ça en précisant que c’est à étaler sur la semaine. Et c’est le moment pour toi de faire le point et d’en profiter pour faire le tri entre l’essentiel et l’accessoire, un peu comme au printemps quand on fait une descente dans son armoire à fringues et qu’on se décide à faire le tri… »

Harfang N°50, mai 2017

Harfang, honorable revue de littératures, basée à Angers et dédiée au texte court, fête ses 25 ans d’existence !
C’est pas rien quand on sait la difficulté à survivre dans le marigot de l’édition avec l’ambition de proposer autre chose que des bestesélères. Pour son cinquantième numéro, Harfang a eu la bonne idée d’exhumer l’un de mes textes de 2004 ( ce qui est une preuve supplémentaire de leur bon goût ). Pour s’abonner à la revue, c’est par icirevueharfang@laposte.netharfang Continuer la lecture de Harfang N°50, mai 2017

GB prend le large à Binic

Le thème 2016 du concours de nouvelles ? « fortunes de mer ». Pour le dire autrement, naufrages et autres infortunes salées. C’était à Binic (Côtes d’Armor).  Même si je suis un terrien pur beurre. La preuve, pour moi la haute mer commence dès que j’ai de l’eau aux genoux. Moi j’ai toujours adoré les récits de mer. Et le vocabulaire maritime. Et les embruns. Alors j’ai envoyé le texte d’une petite pomme qui voulait voir la mer au péril de sa vie…Ouest-France-2-avril-2017Evidemment, tu veux en savoir un peu plus ? Sans avoir à acheter le recueil ? Allez, juste pour toi et en promo, voici le texte dont avec lequel que j’ai gagné…

NAUFRAGE A TERRE

Là-bas, c’est le bas-bout de l’extrême-terre. L’horizon de varech s’aplatit complètement comme une grande bête liquide et laisse à leurs fluides agapes la terre, l’air et l’eau. Ces épousailles deux fois par jour du roc et de l’écume, du sable gris et de l’eau marine, ça se nomme la grande baie. La mer s’enfuit à la frange visible du monde et l’oeil n’arrive plus à choisir entre ces bandes de bleus, à décider parmi toutes ces horizons de mer un peu tremblés et tous ces grains mouillés sur les buvards de l’eau. Continuer la lecture de GB prend le large à Binic

contes, racontes & esqueches

Le festival occitan des Hauts cantons de l’Hérault, Mai que Mai, fête cette année ses dix ans. Dix ans d’initiatives en faveur de la langue et de la culture occitanes, ateliers de langue, groupe de musique, bals, stages, festival, cinéma, toponymie, cirque, danse, arts plastiques, difficile de tout résumer. Et  la traditionnelle rando-spectacle du jeudi de l’Ascension. Pour cet anniversaire, l’association Tafanari à l’origine du projet publie une sélection de quelques-uns de mes contes, récits et sketches,  contes, racontes & esqueches, une jolie façon de se remettre en tête et en bouche l’ambiance unique de ce festival unique !

Prix de vente: 10 € au profit de l’association

couv 1couv 2Même que le site de la lecture en Languedoc-Roussillon, hé bé il en cause !GB MQM

l’Intrépide dans la Dépêche du Midi

Publié le 13/12/2016 à 03:50, Mis à jour le 13/12/2016 à 08:03201612131437-fullGérard Bastide présente «L’intrépide centripète» /Photo DDM

Le voyage géopoétique de Gérard Bastide

Sa plume n’est jamais au repos, pas plus que sa créativité. Le nouveau livre de Gérard Bastide est paru il y a quelques semaines. «L’intrépide centripète» est le récit des aventures d’un personnage qui n’est autre que l’auteur, à la recherche du centre. Gérard Bastide s’est rendu physiquement dans tous les lieux qui sont évoqués au fil des pages, son aventure a duré près de trois années de voyages, de réflexions philosophiques et poétiques, de recherches géographiques, trois années où, très régulièrement, il se glissait dans la peau de son personnage avant de coucher sur papier ses impressions. «Trop longtemps je fus en marge. Excentré, décentré, déconcentré. En un mot, ex-centri-que. Aussi ai-je décidé de consacrer le reste de ma vie à la recherche du centre. S’il existe.» C’est ainsi que débutent les tribulations géopoétiques d’un cycliste lunaire qui, cramponné à son guidon, emmène ses lecteurs dans ses errances et leur fait découvrir de nombreux cœurs du monde, nombrils, centres, milieux et autres axes, consignés dans son carnet de voyage. Dans sa quête initiatique, l’érudition de son fidèle secrétaire l’amène à des profondes réflexions et finalement à se recentrer sur le sens à donner à sa vie.
Un beau récit tout droit sorti de l’imaginaire fertile de Gérard Bastide, «polyfaiseur de multichoses», musicien, conteur, acteur, nouvelliste, artiste plasticien, écrivain entre autres talents. Dans cet ouvrage tout en décalé, il incite à la réflexion sur le sens de la vie ; chacun doit trouver son «centre», son but pour aller de l’avant et la chute est résolument optimiste. Artisan voyageur, passionné de cyclisme, Gérard Bastide a déjà en tête de nouveaux projets : il participe en outre très régulièrement à des festivals et salons, sans oublier les concours de nouvelles et a déjà été primé à plusieurs reprises.