Archives de catégorie : l’ecriveur polygraphe

« Le randonneur » et le voyageur menteur

La critique de mon dernier bouquin par Jean-Yves Mounier, alias JYM, à paraitre dans la revue « le Randonneur » de janvier 2020 :

Commentaire de Jean-Yves MOUNIER

Après La voie cyclique  en 2011 et L’intrépide centripète
 à la recherche du centre en 2016, Gérard Bastide vient une nouvelle fois nous enchanter par sa fantaisie, son amour des mots, son sens de l’absurde qui conduit le lecteur là où il souhaite le transporter.
Récit de voyage, non-récit de voyage, récit de non-voyage, non-récit de non-voyage, ce texte enchanteur est tout cela à la fois et le résumer serait le ramener à ce qu’il n’est pas, un texte de plus sur la bicyclette, le voyage, la vie en quelque sorte que Gérard s’est choisie et sait si bien évoquer à travers une avalanche de mots qui donne parfois le vertige et nous conduit loin, très loin… dans le pays imaginaire du « polyfaiseur de multichoses ». Imaginaire ? ou pas.

Le voyageur menteur en Norvège

Un ami lecteur me fait parvenir cette photo de son équipage cycliste sur une route de Norvège. Bien. Le livre qui l’accompagne durant son équipée ? « Le voyageur est un menteur ».  Parfait. Ca me fait naturellement plaisir que mes menteries voyagent aussi loin. A quand une édition en norvégien ? Mais tout à coup je m’interroge : ce lecteur inspiré par mes écrits est-il réellement allé en Norvège ?

« article-fantôme »

On ne saurait empêcher la marche du progrès. Témoin cet article paru il y a quelques jours dans la Dépêche du Midi, le journal « généralement bien informé « . Celui qui a pondu cet article (ça s’appelle encore un journaliste ? ) n’a pas cru bon de venir me déranger inutilement ou de prendre des risques inconsidérés sur la route. Alors, avec juste la 4° de couverture et des bouts de vieux articles, il a bricolé un papier qui n’a pas  dû lui prendre beaucoup de temps… Il manquait une photo ? Pas de problème, il a récupéré une photo qui date de 2011 ! (de ce côté-là, j’avoue, je reprends un coup de jeune ). Avec le logo d’Orange. Je suppose que la prochaine étape consistera  à virer le journaliste et le remplacer par un logiciel de création d’articles (e-info ) qui fera tout aussi bien et pour moins cher.

 

« Eau en couleurs »

Vient de paraitre aux éditions du Courtiol « Eau en couleurs » , sous-titré  » ballades languedociennes « , un recueil au format à l’italienne d’aquarelles signées par Pascale Soulas et dont l’artiste  a bien voulu me demander de rédiger la préface. Aussi je me suis exécuté :

D’abord l’eau. Sans elle ni océans ni icebergs ni bactéries ni parapluies ni nous. Donc respect. D’autant que la ressource en eau est menacée. Aussi vive l’aquarelle championne du monde des économies d’eau, la frugalité érigée en oeuvre d’art, une esthétique de l’anti-gaspi, la goutte reine. Une aquarelle de dimensions moyennes dépense moins d’eau qu’une crise de larmes standard. La comparaison s’arrête là car les approches sont différentes, notamment en ce qui concerne le choix du sujet et le temps de séchage. D’ailleurs, une aquarelle réussie apporte pas mal de satisfactions apaisantes, aussi bien à l’artiste qui la réalise qu’à celui qui la regarde. L’aquarelle est avant tout une leçon d’humidité. C’est aussi une leçon d’humilité. Comment faire entrer le monde sur sa feuille avec quelques poils disposés en pinceau et quelques milligrammes de poudre de pigments ? L’aquarelle est  à la peinture en bombe ce que la harpe celtique est au heavy metal. L’aquarelle prétendrait donc être un art modeste ? Au contraire, il y a quelque vanité à vouloir dire le monde avec si peu d’eau et quelques onces de pigment. Aquarelle, calligraphie de la couleur.J’y vois un point commun avec l’écriture, autre technique économe en liquide. Les deux relèvent le défi de communiquer  des émotions par le seul miracle de quelques gouttes judicieusement disposées sur une feuille.

Pascale Soulas. Le cristal et la fumée. Technique et abandon. Esprit de géométrie, esprit de finesse, selon la formule de Blaise Pascal. Il opposait ainsi la rigueur des géomètres  à la finesse des poètes. Mais lui-même était une synthèse, lui qui joignait la rigueur la plus aigüe du scientifique à la profondeur métaphysique de ses réflexions sur la foi. Soulas à sa façon réconcilie ces deux aspects puisqu’elle a suivi une formation d’architecte avant de frayer les chemins de la musique. L’art et les règles de l’art. Le carnet de croquis et la planche  à dessin. Garder la fluidité de la mélodie et le sens des volumes, est-ce donc si contradictoire ? Le terme de « physis » , la « nature » chez les grecs, éclaire cette apparente contradiction. Physis désigne aussi bien la nature  » naturante et naturée  » que es lois immuables de nature mathématique qui ont fourni au français le mot « physique ». Cette double filiation éclaire le travail de pascale Soulas : regard futé et affuté sur ce modeste patrimoine vernaculaire que le pressé néglige bien souvent de regarde ; avec une étude rigoureuse de l’ombre et de la lumièrequi jouent sur ce bâti ; mais aussi poésie contemplative des sujets naturalistes pour lesquels elle se garde bien de donner un nm scientifique. Plutôt la pause que la pose. Sous nos yeux s’opère alors la synthèse des contraires dans le creuset de sa création individuelle. Chaque oeuvre est un autoportrait. Et pourquoi ce pays ? « J’y suis arrivée par hasard, j’y suis restée par choix. » On n’en saura guère plus. La meilleure recette ne se partage pas. Qu’il suffise de savoir que dans ces terres sudistes si rares en eau, Pascale Soulas a  su réveiller le griffon, apprivoiser le théron et trouver la source qui éclaire ses aquarelles et ses ritournelles.