Vient de paraitre aux éditions du Courtiol « Eau en couleurs » , sous-titré » ballades languedociennes « , un recueil au format à l’italienne d’aquarelles signées par Pascale Soulas et dont l’artiste a bien voulu me demander de rédiger la préface. Aussi je me suis exécuté :
D’abord l’eau. Sans elle ni océans ni icebergs ni bactéries ni parapluies ni nous. Donc respect. D’autant que la ressource en eau est menacée. Aussi vive l’aquarelle championne du monde des économies d’eau, la frugalité érigée en oeuvre d’art, une esthétique de l’anti-gaspi, la goutte reine. Une aquarelle de dimensions moyennes dépense moins d’eau qu’une crise de larmes standard. La comparaison s’arrête là car les approches sont différentes, notamment en ce qui concerne le choix du sujet et le temps de séchage. D’ailleurs, une aquarelle réussie apporte pas mal de satisfactions apaisantes, aussi bien à l’artiste qui la réalise qu’à celui qui la regarde. L’aquarelle est avant tout une leçon d’humidité. C’est aussi une leçon d’humilité. Comment faire entrer le monde sur sa feuille avec quelques poils disposés en pinceau et quelques milligrammes de poudre de pigments ? L’aquarelle est à la peinture en bombe ce que la harpe celtique est au heavy metal. L’aquarelle prétendrait donc être un art modeste ? Au contraire, il y a quelque vanité à vouloir dire le monde avec si peu d’eau et quelques onces de pigment. Aquarelle, calligraphie de la couleur.J’y vois un point commun avec l’écriture, autre technique économe en liquide. Les deux relèvent le défi de communiquer des émotions par le seul miracle de quelques gouttes judicieusement disposées sur une feuille.
Pascale Soulas. Le cristal et la fumée. Technique et abandon. Esprit de géométrie, esprit de finesse, selon la formule de Blaise Pascal. Il opposait ainsi la rigueur des géomètres à la finesse des poètes. Mais lui-même était une synthèse, lui qui joignait la rigueur la plus aigüe du scientifique à la profondeur métaphysique de ses réflexions sur la foi. Soulas à sa façon réconcilie ces deux aspects puisqu’elle a suivi une formation d’architecte avant de frayer les chemins de la musique. L’art et les règles de l’art. Le carnet de croquis et la planche à dessin. Garder la fluidité de la mélodie et le sens des volumes, est-ce donc si contradictoire ? Le terme de « physis » , la « nature » chez les grecs, éclaire cette apparente contradiction. Physis désigne aussi bien la nature » naturante et naturée » que es lois immuables de nature mathématique qui ont fourni au français le mot « physique ». Cette double filiation éclaire le travail de pascale Soulas : regard futé et affuté sur ce modeste patrimoine vernaculaire que le pressé néglige bien souvent de regarde ; avec une étude rigoureuse de l’ombre et de la lumièrequi jouent sur ce bâti ; mais aussi poésie contemplative des sujets naturalistes pour lesquels elle se garde bien de donner un nm scientifique. Plutôt la pause que la pose. Sous nos yeux s’opère alors la synthèse des contraires dans le creuset de sa création individuelle. Chaque oeuvre est un autoportrait. Et pourquoi ce pays ? « J’y suis arrivée par hasard, j’y suis restée par choix. » On n’en saura guère plus. La meilleure recette ne se partage pas. Qu’il suffise de savoir que dans ces terres sudistes si rares en eau, Pascale Soulas a su réveiller le griffon, apprivoiser le théron et trouver la source qui éclaire ses aquarelles et ses ritournelles.