INFECTION
L’instant d’avant, les bouches de la nuit buvaient encore tout le pays. Toutes les épaisseurs du noir, toutes les densités de l’ombre, des plus subtiles aux plus épaisses, des plus massives aux plus déliées, après être descendues du ciel la veille avaient bivouaqué la nuit entière sur le plateau. A moins que, nées de la terre elle-même, elles ne se fussent d’abord répandues dans cet air libre et tiède qu’à seule fin de couler comme une eau grasse dans toutes les combes et sur chaque versant.
L’ arrière-garde des terres d’ombre, avec son antique équipage d’escortes grises et de peurs végétales, semblait pour toujours camper dans les vallons mouillés où elle avait allumé des feux de brumes sales qui ne réchauffaient rien, dans des prairies de laine morne et rêche qui semblaient pour toujours encerclées par les sentinelles nocturnes. La veille au soir, toutes les autres couleurs avaient mis fin à une longue incertitude en désertant à l’appel du couchant. Après la trève générale observée par chaque vent, l’inondation du crépuscule avait pacifié les larges terres et le vaste torse de la nuit s’était chamarré d’étoiles. Et ce silence partout, fort comme une clameur. Même les escortes des bêtes sauvages s’étaient tues, qui pourtant accompagnent chaque bruissement d’aile ou d’herbe. Les troncs obombrés des grands hêtres liquides patientaient obstinément dessous leurs vieilles écorces en attendant le dénouement du jour. Sans le moindre souffle d’air, les joncs issus des grandes tourbières, les hautes herbes jaunes, les canches flexueuses, chaque rameau de chaque pin, tous semblaient plantés pour toujours à la diable dans la position où les aurait surpris un créateur dans l’instant même d’avant leur création. Jusqu’aux larges dalles de gneiss moussues qui paraissaient espérer verticalement le temps où l’ordre leur serait donné de se remettre en marche, ou tout au moins, la chance leur serait offerte de retrouver le tiédissement diurne qui agiterait imperceptiblement les molécules de leurs surfaces grenues. Au loin du marais, un dernier appel en forme d’interrogation fut noué par un crapaud dans l’attente universelle du jour. Ou bien ce fut un de ces geais qui parlent en dormant qui émit par hasard une plainte grinçante et froide. Alors se leva une estafette émaciée qui semblait provenir autant de la nuit que du levant pour annoncer que se tiendraient sans retard les engagements de l’aube. Comme sous un porche les amis après la fête, les fantomes indécis de la nuit tardaient à se dissiper et, avec une hésitation mélancolique devant la montée prochaine des lueurs, tenaient bon encore dans tous les recoins que leur offrait le plateau désert. Avec leurs hampes et leurs tentes, ils parvenaient encore à faire obstacle à la progression du jour. Puis, vaincus par l’heure, ils se décidèrent comme à regret à redevenir des branches, des fourrés d’aubépines, des tas d’épierrage, toutes choses nommables. De hauts sapins juchés sur leurs pattes noires filaient à marche forcée rejoindre leurs cantonnements de jour où, fixés au sol par l’ordre des choses solaires, ils attendraient le prochain soir dans le crépuscule feutré de leurs minutieuses aiguilles. De moment en moment, les troupes fraiches du jour montaient sans bruit s’installer vers les quartiers du ciel où vivotaient encore les dernières masses noires de chaque nuit. Des hordes de lavandières passaient à tout instant, faisant et défaisant leurs formes pales, leurs corps immenses chargés des draps de la nuit et s’en allaient en silence déposer leurs fardeaux au bord de l’horizon et dans chaque clairière. Après cette noire mêlée qui avait connu pendant quelques heures la défaite de toutes les images, les rideaux nocturnes se déchiraient vite à présent, remplacés par des étoffes aux teintes incertaines que des servants invisibles installaient à la hate à chaque fut d’arbre, auprès de chaque ombelle, dessus chaque fourré. Les ombre étaient sommées de se colorer ou de disparaitre. Dans ce moment indécis, où rien encore ne semblait joué de l’avenir des heures et du chantier du monde, parut soudain au ras du sol une flèche rose comme on imagine le ventre des fées. Avec une rapidité presque surprenante, en moins de temps que l’aboi d’un chevreuil, de rousse elle devint écarlate et courut au ras des aiguilles comme pour porter la nouvelle tiède au petit peuple des brindilles. Le brasier qui avait été allumé de loin en loin derrière les collines approchait maintenant comme une marée vitale pour prendre désormais possession de toutes les surfaces. Le soleil attendu revenait se frotter comme une large bête sur le grand corps du monde et sous sa puissance de vieux solitaire la terre attendrie n’aurait plus qu’à s’ouvrir pour recevoir son charroi de feu et de lumière. Chaque feuille, chaque patte, chaque ergot, les plumes, les élytres, chaque muscle tapi au haut de chaque branche ou replié au fond de chaque trou accueillait maintenant en personne la bénédiction solaire. En quelques minutes, chaque vivant de ce bois franchirait une saison. Le jour allait tenir promesse. Les humeurs de la nuit se condensaient en perles avant de migrer sous forme de vapeurs qui se tordraient tièdes sur des plages de feuilles sèches. Alors un pépiement aigu suivi de plusieurs autres porta d’arbre en arbre l’éternel témoignage. La nuit avait cessé et avec elle ses frissons essentiels et ses mystères païens qui inversent les choses. Arriva l’oeil solaire, son ascension rituelle, le plus haut des présents quotidiens dans ces landes qu’à chaque jour chaque aube renouvelle. Un carabe accrocha sur son dos le premier reflet du jour neuf et partit à sa tâche vers les longues racines.
Au ras du bois, au bord des herbes, une tige a bougé dans un nid de rosée. Pour un oeil attentif, à peine comme une haleine, pas plus qu’une buée sortie d’un trou d’entre les feuilles. Lénacile. Maintenant, l’aurore nouvelle est partie à l’assaut des derniers réduits d’ombre et le soleil ourle de rouge les profils et les croutes des grands pins qui bordent le chemin. Dans les jeunes épis, au profond du sol une vie s’agite, palpite, fébrile, chaude, qui serait comme un coeur en mouvement dans le grand terrier du monde. Puis d’entre la chevelure des herbes dans la rabouillère une bourre grise, une aumonière de poils, un museau rose de dernier-né. Ses oreilles encore fripées plantées dans le terreau de sa fourrure, c’est un tout jeune levraut. Lindane Doguadine. S’il le pouvait sans doute il baillerait . Etire ses membres encore menus, passe sur sa bouille une patte claire ou vive, comme le ferait un chat à sa toilette. A présent, les poils de ses moustaches tendus à tous les vents, il hume la terre jeune. Diflubenzuridon. Renifle le nid derrière lui, les odeurs de son ventre à jeun, les muscs de chaque garenne alentour, le vieux fenouil et la marjolaine sauvage. Un saut de côté, pivote tout d’un bloc, porte sa tête attentive vers l’est d’où viennent les blancheurs. Métribuzine Hexacinone Cymoxanil. Alors, sa houpette blanche assise sur l’aube encore fraiche, il dépose sur le sol un assortiment de billes noires et polies comme un vieil adage . Difenzoquat. Le soleil a déjà gravi la cime des plus grands chênes et maintenant il entonne en silence dans la langue universelle son chant de jour sur la terre qui fume. Phimédiphame Therbutylazine Pyracarbolide. Une brindille s’anime, verte entretoutes. C’est une sauterelle tendre dont l’animal apprivoise Nitrotal-isopropyl par jeu les ailes transparentes. Bromoxynil Méthabenzothiazuron. Installé à présent à sa besogne, il tire avec sérieux sur un brin de serpolet qui donne sa couleur d’oxyde à toute la prairie. Le soleil lèche un à un, puis très vite, les sillons. Dimétachlore Oxycarbine. Un frisson d’aise parcourt le peuple actif des galeries et des couloirs Mercaptodimathur. Ethafluraline. DiuronBromopropylate. Ici, un mulot, une tache grise comme un mulot court par saccades d’une crête à l’autre des labours. Daminozide Phosphamidon Parathion. Quelque part dans les peignes de l’aulne un bouvreuil a Deltaméthune Dichlorofuamide chanté. La caille tôt levée gobe Bromadioline chaque moment Dioxacarbe du jour Aldicarbe Endosulfan et par chaque plume qui l’habille Toxaphène aspire chaque souffle, avale le moindre éclat de toute lumière par la vitre de son oeil ici un lapin tout à sa toilette se frotte Glucochoral langoureusement Ethiophencarbe contre Fenvarelate Bromopropylate une souche Desmethrine et dérangée Rotenone Chloridazone Coubatène Coumafène à se poser Monolinuron loin Simazine Trifluraline petit lièvre Vamidothion Dicnochlore Propiconzanol tremblant Prothioncarbe Metolachlor enfouit Chinométhionate Manèbe Paraquat OxadiazonGlyphosateAminotriazole dans le Carbatène Bromadiolone ventre Procymidone Carbophénotion de Chinométhionate terre Tetradifon il Piclorame Linuron Dieldrine Heptachlore Napropamide malade Atrazine Endrine Mirex maman Dicamba Chrotiamide Toxaphène AlachloreTerbutylazine Triacétate de Guazatine Ivermectine Aldicarbe Dinoterbe Diuron Aldrine Oxydeméton-méthyl Cyanazine Folpet Docofol Endosulfan Chlordane Ioxynil Isoproturon Tributyletain Vinchlozoline Dithiocarbamate Glufosinate Furathiocarbe Fenithrotion Carbaryl Pentachlorophénol maman CyperméthrineDiazinon Myclobutanol ProchloraseDeltaméthrine Imidachlopride Fipronil Mancozèbe Chlordécone Hexabromodiphénil Hexachlorocyclohexane Bromadiolone Cyfluthrine Chlorpyriphos Carbendazime Dinocap Molinate