L’autodidarchitecte
Ne le dites pas à ma mère. Elle croit que je retape une maison à la campagne.
La pauvre. Si elle savait…
C’est pas l’histoire de la contagion. C’est que ça lui ferait un choc et c’est pas la peine.
Bon, je me doutais bien depuis un moment. Sur mon cas je veux dire.
J’avais lu des trucs sur un type, un nommé Cheval je crois, qui avait passé quarante-trois ans de sa vie à trimballer des cailloux dans une brouette.
J’aurais dû me douter pour moi.Un peu moins facteur, un peu moins cheval mais aussi bourrin. Ce soir-là, après mal au dos je suis allé consulter mon toubib. Il a pris la chose plutôt au sérieux. J’ai tout déballé.
– C’est grave, docteur ?
– Ça dépend de vous. Si vous arrêtiez immédiatement, si vous vous mettiez à la mandoline ou aux poulbots sur canevas, ça pourrait passer.
– C’est rare ce que j’ai, docteur ?
– A la vérité, les gens autrefois en étaient beaucoup plus affectés. La pauvreté. Le manque de matériaux. Tout à la main. Ils n’avaient pas le choix. De ce point de vue-là, notre mode de vie s’est grandement amélioré. De nos jours, c’est devenu rarissime. D’autant que vous n’aviez pas vraiment un profil à risque…
– Ça a un nom ?
– Mon cher monsieur, dans notre discipline tout a un nom. Vous êtes affecté d’une forme particulièrement aigüe de la MALADIE DE LA PIERRE.
Ainsi, c’était donc ça !
La manie de ramasser des pierres, l’envie irrépressible de les agencer, les ajuster, les bâtir, ce besoin de les ériger. Quand je n’en ai plus eu sur place, il m’a fallu demander aux voisins : cherche pierres, blocs, de taille, à bâtir, lauzes, schistes, ruines, carrières, encadrements, linteaux, corbeaux!
Tout s’éclairait : la maladie chronique dans l’Antiquité, au Moyen-Age, dolmens, pyramides, obélisques, aqueducs, thermes, cathédrales, forteresses, cités… et qui peu à peu grâce aux progrès du bâtiment s’est trouvé éradiquée.
Comment l’avais-je contractée ? probablement dans les années 70, en achetant cette grande bâtisse, masure à demi-ruinée au fond des bois que nous avons restaurée depuis. Le virus devait y être en sommeil.
Contagieux, j’ai demandé ?
Je me doutais bien que non. Les amis, les hôtes de passage n’avaient manifesté aucun des symptômes avant-coureurs : manches retroussées, fourmis dans les mains devant nue brouette, joie niaise à la vue d’un bloc de 250 kilos, satisfaction puérile d’avoir redressé un demi-menhir à soi tout seul.Bien sûr, on voit de moins en moins de gens bâtir la pierre. Le docteur m’a expliqué que je souffrais d’une forme encore plus rare, le syndrome de la pierre sèche. Même les maçons professionnels, pourtant en contact fréquent avec le matériau, sont pratiquement épargnés.
Alors j’ai voulu témoigner.
Tout ce que je souhaite, c’est que ce témoignage pourra aider tous ceux qui souhaiteraient se lancer dans la réhabilitation de bâtiments anciens et la sauvegarde du patrimoine bâti.
Monplaisir, 1992
biographie locale
. fin XVIII° : le site de Monplaisir n’apparait pas encore sur la carte de Cassini.
. 1837 : première mention du site de « Montplaisir »sur le cadastre
. 1855 : la carte d’Etat-major de 1855 signale « Monplaisir »
. XIX°-XX° :plusieurs générations vivent et travaillent aux usines de Monplaisir (voir photo )
. 1923 : fermeture de l’usine.
. années 1942-1944 : refuge de maquisards
. 1961 : départ des derniers locataires
.1973 : création du Parc naturel régional du Haut-Languedoc
. 1975 : achat de Monplaisir
. 1975-1981: je retape la petite maison
. 1982 : installation dans la grande maison
. 1989 : début de l’activité d’accueil
. 1990 : 4° trophées régionaux du tourisme Midi-Pyrénées, catégorie innovation & trophées du Tourisme tarnais
. création du circuit VTT de Frescati
. 1992 : construction de la chambre d’hotes, Gites de France, label gite Panda, création du sentier Panda
. 1995: première mention dans le Guide du Routard
. concours des jardiniers du Parc, 1° prix catégorie environnement avec le lagunage à macrophytes
. concours des jardiniers du Parc avec Ort et Art
. 2015 : vente de Monplaisir